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Le court circuit

 

PERSONNAGES

ANATOLE LOUPY, ouvrier électricien       . . . . . . . . . . MM. SCIPION
ROBERT,viveur                                       . . . . . . . . . . ANCELINFILS
MINA DE COURSAC, théâtreuse            . . . . . . . . . . MMES JANE MERYEM
FÉLICIE,sa bonne                                 . . . . . . . . . . DAURAND

Un petit salon-boudoir chez Mina de Coursac. A gauche, premier plan, porte du cabinet de toilette.
A gauche, deuxième plan, porte de la chambre à coucher.
A droite, premier plan, cheminée surmontée d'une glace; de chaque côté de la glace une applique avec lampe électrique.
A droite, deuxième plan, fenêtre praticable, avec doubles rideaux.
Au fond, porte donnant sur antichambre.
Entre les deux portes de gauche, une coiffeuse avec différents objets de toilette et de maquillage.
A gauche, une bergère.
A droite, une petite table guéridon avec un appareil téléphonique, un dictionnaire Larousse. Une chaise de chaque côté de ce guéridon. Des chaises, petits meubles.
Près de la cheminée une prise de courant. Un bouton de sonnerie électrique à droite de la porte d'entrée.
Les indications sont prises de la salle.

Scène première

FÉLICIE, puis MINA

FÉLICIE, entrant du fond. - Le courrier et les journaux de Madame. (Elle jette le tout sur le guéridon à droite puis va écouter à la porte, deuxième plan gauche.) Midi !... elle roupille encore... il n'y a que les femmes légères pour avoir le sommeil si lourd. (Revenant vers le guéridon et regardant au travers d'une enve­loppe.) C'est du ténor, le petit blond qui coûte si cher à Madame. (Exami­nant une seconde lettre.) Connais pas cette écriture... Un candidat de la dernière heure sans doute.
MINA, entrant, deuxième plan gauche, elle est en élégant peignoir. - Eh bien ! Félicie !

Surprise, Félicie dépose vivement la lettre qu'elle contemplait.

MINA. - Pourquoi ne m'apportez-vous pas mon courrier ?
FÉLICIE. - Je ne voulais pas réveiller Madame... un lendemain de première, j'ai pensé que Madame devait être très fatiguée.
MINA. - C'est vrai, j'ai eu tellement de succès hier soir...

Elle s'est assise devant sa coiffeuse et décachette les lettres que Félicie lui a remises.

MINA. - Qu'est-ce que les journaux racontent sur moi ?.. lisez-moi ça, Félicie.
FÉLICIE. - Madame veut...
MINA. - Vous savez lire, je suppose ?
FÉLICIE. - Madame n'ignore pas que j'ai mon brevet supérieur. MINA. - Ah ! oui; vous me l'aviez déjà dit. C'est curieux qu'avec ce... machin-là, vous n'ayez pas eu plus d'ambition. Vous auriez pu, vous aussi, faire du music-hall, avoir des amis; vous n'êtes pas plus mal qu'une autre; vous manquez peut-être un peu de chic.
FÉLICIE. - Madame est bien bonne; mais je ne suis pas assez bien tournée pour mal tourner, et puis je ne me sens pas la vocation.
MINA. - Vous avez peut-être tort... je vous écoute Félicie.
FÉLICIE, lisant. - La délicieuse Mina de Coursac, dans son rôle du « Cresson » de la vie chère, nous a révélé une nature plantureuse. Avec un pareil légume, on ne regretterait pas de se mettre au vert.
MINA. - C'est spirituel; mais ça ne casse rien... Quel journal ? FÉLICIE. - Le Figaro...
MINA. - Voyons Le Matin.
FÉLICIE, lisant. - La délicieuse Mina de Coursac, dans son rôle du « Cresson » de la vie chère, nous a révélé une nature plantureuse. Avec un pareil légume on ne regretterait pas de se mettre au vert...
MINA. - C'est exactement la même chose.
FÉLICIE. - Probablement que tous les critiques sont du même avis sur le talent de Madame.
MINA, qui depuis un moment hume l'air autour d'elle. - Vous ne sentez pas, Félicie ?
FÉLICIE, même jeu. - Si, comme une vague odeur d'oignon roussi. (Prenant un autre journal.) Ah ! Voici un article qui n'est pas pareil aux autres: « Mademoiselle Mina de Coursac est une gracieuse personne dont l'intelligence rappelle celle de ces sympathiques palmipèdes qui sauvèrent jadis le Capitole. »
MINA. - Ah ! ça, c'est gentil, quel journal ?
FÉLICIE. - L'Écho des spectacles.
MINA. - J'enverrai une carte de remerciements.
FÉLICIE. - Je crois que Madame ferait mieux de s'abstenir.
MINA. - j'aurais l'air de ne pas avoir compris l'article.
FÉLICIE. - Madame ne sait peut-être pas ce que c'est que le Capi­tole ?
MINA. - C'est vous qui viendrez me l'apprendre, j'y ai joué une revue l'année dernière: c'est le plus grand music-hall de Toulouse.
FÉLICIE. - Mais non, Madame, le Capitole... c'était à Rome... les pal­mipèdes...
MINA. - Eh bien! quoi les palmipèdes, c'est les gens qui ont les palmes académiques, tout le monde sait ça ; ma petite Félicie, ce n'est pas parce que vous avez votre brevet supérieur qu'il faut chercher à m'esbroufer.
FÉLICIE. - Oh! non, Madame.
MINA, humant l'air de nouveau, elle se lève et va vers le guéridon. - C'est curieux comme cette odeur persiste.
FÉLICIE. - Ça doit venir de la cuisine de l'entresol.

On sonne.

MINA. - Allez ouvrir .
FÉLICIE, sans se presser. - Faudra-t-il dire que Madame reçoit ?
MINA. - je n'en sais rien; voyez d'abord qui a sonné... mais dépê­chez-vous donc... courez !
FÉLICIE, allant ouvrir lentement. - Oh! Madame sait bien que je ne suis pas une coureuse.

Mina continue à décacheter son courrier.

Scène II

ROBERT, MINA

ROBERT, entre, dépose sa canne et son chapeau sur une chaise, puis s'avance denière Mina et l'embrasse sur la nuque. - Bonjour, Loute !
MINA. - Robert! que viens-tu faire ici ?
ROBERT. - En voilà une question.
MINA. - Tu n'as donc pas reçu mon pneu ?
ROBERT. - Non, j'ai déjeuné au cercle ce matin.
MINA. - Tout s'explique.
ROBERT. - Et que me disais-tu dans ce pneu ?
MINA. - Que je ne pouvais pas te recevoir aujourd'hui.
ROBERT. - Charmant !... moi qui voulais te consacrer mon après­ midi.
MINA. - Ah ! mon chéri, je suis encore plus navrée que toi... mais il me tombe une tuile.
ROBERT. - On t'a coupé tes rôles dans la revue ?
MINA. - Non, mon oncle le chanoine arrive aujourd'hui.
ROBERT. - Encore! C'est la troisième fois depuis un mois; il me semble que ton oncle le chanoine vient bien souvent à Paris.
MINA. - Il a des affaires à régler à l'archevêché... tu comprends, mon chéri, qu'il ne faut pas qu'il te trouve ici... Si jamais il se doutait que j'ai un amant et que je fais du théâtre... quel baroufle !
ROBERT, qui lui aussi hume l'air depuis un moment. - Tu ne trouves pas que ça sent le roussi ?
MINA. - C'est ce que je disais à Félicie tout à l'heure.
ROBERT, s'approchant de la prise de courant. - Parbleu, un court-circuit, il faut immédiatement téléphoner à l'électricien.
MINA. - Tu parles! Non mais... me vois-tu sans lumière avec mon oncle le chanoine. (Téléphonant assise à gauche du guérison.) Allô! Allô! huit cent quarante « sisse vergule cinque ». (Criant.) « Vergule cinque »... il me semble que je parle français... Allô! la maison Ampère... Voulez­vous envoyer immédiatement un électricien chez Mlle Mina de Cour­sac... de Coursac, l'étoile parisienne, bien connue, il n'y en a pas deux, je suppose. (A Robert.) Ils ne connaissent rien ces électriciens. (Au téléphone.) Un court-circuit... c'est urgent. (Raccrochant l'appareil.) On va envoyer un ouvrier.
ROBERT. - Mina ?
MINA. - Mon loup ?
ROBERT. - Ton oncle le chanoine restera longtemps à Paris ?
MINA. - Vingt-quatre heures au moins.
ROBERT, passant devant elle. - C'est ce que je pensais... alors tu n'iras pas aux Folies ce soir ?
MINA. - Naturellement, j'ai téléphoné au régisseur que j'avais la migraine; il se chargera de prévenir ma doublure.
ROBERT. - Mina, tu me fais beaucoup de peine: au moment où tu commences à percer, car toute la presse a été unanime à constater ton succès. (A part.) C'est moi qui paye les communiqués. (Haut.) Au moment, dis-je, où la carrière artistique s'ouvre devant toi, toute parsemée de fleurs et de lauriers, tu sacrifies ton avenir aux devoirs prosaïques de la famille.
MINA. - Que veux-tu, mon oncle le chanoine est tellement à cheval sur la morale.
ROBERT. - Déplorable manière de faire de l'équitation pour un cha­noine ; mais puisqu'au nom de l'art, je ne suis pas parvenu à te convain­cre, nous nous sacrifierons tous les deux.
MINA. - Qui ça, tous les deux ?
ROBERT. - L'art et moi.
MINA. - Oh! que t'es bête! (Un temps.) Tu ne m'en veux pas au moins, mon chéri ?
ROBERT. - Non... j'irai ce soir, applaudir ta doublure.
MINA. - Ça je te le défends... du reste tu serais bien désillusionné ; c'est un clou... à propos, tu sais que l'auteur m'a promis un rôle très important dans sa prochaine revue.
ROBERT. - Non ?
MINA. - Une scène écrite exprès pour moi... la commère représente le train de voyageurs et moi... je la regarde passer... en chantant un couplet, naturellement, hein! qu'est-ce que t'en dis ?
ROBERT. - Je crois que ce rôle sera tout à fait dans ta nature.
MINA. - N'est-ce pas ? (Avec fierté.) Je suis fille de mes oeuvres, moi !
ROBERT. - Ta mère n'a pas dû trop souffrir.
MINA. - Ne plaisante pas sur les choses sérieuses... dis donc, mon chéri, tu m'excuses de ne pas te retenir ?

Elle le conduit vers la porte du fond et lui donne sa canne et son chapeau, comme impatiente de le voir partir.

ROBERT. - Mais comment donc, au revoir Mina. (Ils s'embrassent longue­ment, puis Robert au seuil de la porte.) Bien des choses à ton oncle le chanoine.

Il sort.


Scène III

MINA, FÉLICIE

MINA. - Et voilà! le coup de mon oncle le chanoine, ça prend tou­jours. (A Félicie qui entre.) Pourquoi ne reconduisez-vous pas monsieur ?
FÉLICIE. - Je voulais, Madame, mais Monsieur m'a répondu qu'il était assez grand pour se reconduire tout seul, alors je n'ai pas insisté !

On entend fermer violemment une porte.

MINA. - Parti !

Elle va s'asseoir près de la coiffeuse.

FÉLICIE. - Monsieur n'a pas l'air content !
MINA. - Pauvre chou! je ne pouvais cependant pas lui dire que j'attendais le prince d'Inertie à quatre heures.
FÉLICIE. - Le prince d'Inertie ?
MINA. - Parfaitement, hier pendant l'entracte du II, le secrétaire intime du prince est monté dans ma loge et m'a dit textuellement : « Mademoiselle! Sa Majesté désire faire votre connaissance; votre heure sera la sienne. » Je lui ai répondu: « Demain 4 heures chez moi, 545, avenue de Villiers. » Le prince est-il vieux, jeune ? Je n'en sais rien; mais c'est un vrai prince; comme m'a dit son secrétaire: Vous n'avez qu'à consulter le Bottin.
FÉLICIE, rectifiant. - Le Gotha.
MINA. - Quoi, le Gotha... le Bottin pour les adresses... vraiment Féli­cie, ce n'est pas la peine d'avoir votre brevet supérieur pour en sortir de ce calibre-là.
FÉLICIE, résignée. - Comme Madame voudra... en tout cas, c'est une belle relation pour Madame; Madame va être lancée.
MINA. - J'y compte bien: la fortune ne vient pas en dormant... avec n'importe qui. En attendant Sa Majesté, je vais me plonger dans un bain parfumé.

Elle passe dans son cabinet de toilette.

FÉLICIE, sortant denière elle. - Je vais préparer le bain de Madame.


Scène IV

ROBERT, seul

Entrant du fond avec précaution et s'assurant qu'il est bien seul.

ROBERT. - Je ne coupe pas du tout dans le chanoine; j'ai refermé violemment la porte et je suis resté à l'intérieur. (On entend un bruit d'eau qui coule, il va écouter à la porte du cabinet de toilette.) Mina va prendre un bain ; voilà qui confirme mes soupçons... Ces préparatifs hydrothérapiques me semblent peu compatibles avec la visite de son chanoine d'oncle. (Sonne­rie au téléphone, il enlève vivement le récepteur.) Allô! Allô! Mademoiselle Mina de Coursac ? Parfaitement, c'est bien ici... Qu'est-ce que vous dites ? Le prince d'Inertie demande si Mlle Mina peut le recevoir à 4 heures comme il était convenu ? (A part.) Tout s'explique. (A l'appareil.) Allô ! Allô! Si je suis le valet de chambre de Mlle Mina ? Je n'ai pas cet honneur. Allô! Qui je suis, ? - Son oncle, le chanoine. Allô! Vous êtes le secrétaire du prince! Ecoutez bien ce que je vais vous dire: si le prince a le malheur de se présenter chez Mlle Mina, je le flanque en bas de l'escalier avec ma botte dans le derrière. (Raccrochant le récepteur.) Eh! allez donc! Un chanoine qui flanque sa botte dans le derrière d'un prince. C'est peut-être un peu risqué, mais ça apprendra au prince à marcher sur mes brisées. (Sonnerie à la porte d'entrée.) Oh! sapristi! (Il se dissimule denière une tenture de la fenêtre. Félicie sort du cabinet de toilette et va ouvrir.) Allons bon! qui vient nous déranger à présent ?


Scène V

FÉLICIE, LOUPY, ROBERT


Félicie introduit Loupy, ouvrier électricien, la sacoche pendue à l'épaule.

FÉUCIE. - C'est par ici le court-circuit.
LOUPY, il entre et jette son chapeau sur la chaise à gauche du guéridon. - Vous bilez pas, la boniche, j'vas vous réparer ça en cinq sec.

Félicie se retire.


Scène VI

LOUPY, ROBERT

Loupy dépose sa sacoche près de la fenêtre, il y prend quelques outils et en se relevant, se trouve en face de Robert qui est passé devant le rideau.

LOUPY. - D'où c'est-y qu'i sort celui-là ?
ROBERT. - Ah ! c'est vous l'électricien ?
LOUPY. - Anatole Loupy, à votre service! y a-t-i' moyen de causer à la patronne ?
ROBERT. - Attendez un peu, elle trempe.
LOUPY. - Elle trempe! Quand vous aurez fini de vous offrir mon portrait ?
ROBERT. - Telle n'est pas mon intention... elle prend son bain si vous aimez mieux.
LOUPY, lui donnant une bourrade. - Farceur va !
ROBERT, s'essuyant avec son mouchoir. - Il est du reste inutile de la déranger ; voici la prise de courant, faites votre travail.

Loupy va examiner la prise de courant et vient expliquer à Robert.

LOUPY. - C'est les plombs « qui a sauté... ». Si le courant n'est plus sur résistance, ça fait chahuter le potentiel, alors faut isoler les fils parce que la gutta elle est brûlée et, quand la gutta elle est brûlée, macache !
ROBERT, qui l'observe attentivement. - Oh! quelle idée! (Allant vers l'électri­cien.) Monsieur Loupy.
LOUPY. - Patron ?
ROBERT. - Voulez-vous gagner cent francs ?
LOUPY, tombant à la renverse sur la chaise à droite du guéridon. - Cent bal­les !... Qu'est-ce qui m'arrive ?
ROBERT. - Remettez-vous... Vous ne devez pas être fortuné !
LOUPY. - Vous parlez... Avec tous les fourbis de grève et de chô­mage, je suis végétarien.
ROBERT. - Végétarien ?
LOUPY. - Je végète, quoi.
ROBERT, lui tendant un billet de banque. - Je vois que nous pourrons nous entendre.
LOUPY, prenant le billet. - C'est pas de l'imitation ?
ROBERT. - Non, c'est du vrai.
LOUPY. - Quoi que vous allez me demander pour ce prix-là ? Un crime peut-être ?
ROBERT. - Une chose fort simple! Déshabillez-vous !
LOUPY. - Hein ?
ROBERT. - Oui, passez-moi votre cotte et votre bourgeron.
LOUPY. - Je veux bien. (A part.) Cent balles !... (Il enlève sa cotte et son bourgeron, il a en dessous un autre pantalon et un gilet.) Ben, on peut dire que vous avez des idées pas ordinaires.
ROBERT. - Maintenant, Loupy, vous allez devenir prince.
LOUPY. - Prince, rien que ça !
ROBERT. - Ça ne vous fait pas plaisir ?
LOUPY. - C'est pas dans mes opinions ; ma conscience, elle est socialo; moi! j'suis pour le peuple... Le peuple, c'est le travail... Le travail, c'est la liberté... Le jour où y aura plus de capital, on n'en foutra plus une pastille.
ROBERT, lui redonnant cent francs. - Voilà pour endormir votre conscience de socialiste.
LOUPY, empochant. - Vous savez parler au peuple, vous! Que faut-il que je fasse pour deux cents balles ?
ROBERT. - D'abord, changer de vêtements; les vôtres sont d'une coupe qui laisse beaucoup à désirer.
LOUPY. - Dame, tout le monde n'a pas les moyens de se faire habiller chez Potel et Chabot.
ROBERT. - Écoutez, il y a au coin de cette rue un fripier qui fait la location d'habits.
LOUPY. - Le père Abraham, je le connais; je lui ai bouché une fuite il n'y a pas huit jours.
ROBERT. - Eh bien! Allez chez le père Abraham, choisissez dans sa boutique un complet redingote, des gants, un huit-reflets...
LOUPY. - Vous tenez absolument aux huit reflets ?
ROBERT. - Il n'y en aurait que sept à la rigueur... ah! faites ajouter sur la redingote une brochette de décorations... ça meuble... une fois cette transformation accomplie, revenez ici immédiatement et, quand la bonne vous introduira, vous direz ces simples mots: Je suis le prince d'Inertie.
LOUPY, répétant avec emphase et en faisant de grands gestes. - Je suis le prince d'Inertie...
ROBERT. - Pas de grands gestes ; mettez-vous bien dans la peau de votre personnage... un peu plus d'Inertie.
LOUPY, répétant avec simplicité. - Je suis le prince d'Inertie.
ROBERT. - Vous y êtes.
LOUPY. - Et après ?
ROBERT. - Après ? Eh bien! vous répondrez de votre mieux aux questions qu'on vous adressera... Je serai du reste là pour vous guider... Le prince doit être ici à quatre heures ? ... Quelle heure avez-vous ?
LOUPY. - Quelle heure ? Attendez, je vais vous le dire. (Il va au téléphone). Allô !... Allô !... 609 Temple.
ROBERT, s'asseyant sans y prendre garde sur le chapeau que Loupy a déposé sur la chaise, à son entrée. - A qui téléphonez-vous ?
LOUPY. - Au directeur du mont-de-piété pour lui demander quelle heure il est à ma montre... V'là trois mois que je l'ai mise au clou.
ROBERT. - Quel imbécile ! Raccrochez et filez chez le père Abra­ham. Mina va sortir du bain.
LOUPY. - Je calte... Eh bien, vrai, vous êtes tout de même un chouette zigue !

Fausse sortie, il revient vers Robert, semblant chercher quelque chose.

LOUPY. - Pardon, qu'est-ce que vous « direriez » à un homme qui s'assoirait sur votre chapeau ?
ROBERT. - Je le traiterais d'idiot !
LOUPY. - Merci! voulez-vous me rendre mon galure; vous êtes assis dessus.
ROBERT, se levant. - Oh! pardon !
LOUPY, prenant son chapeau. - A bientôt patron.

Il sort.


Scène VII

ROBERT, seul, mettant la cotte et le bourgeron.

ROBERT. - Si, après ça, Mina n'est pas dégoûtée des princes... Mais, comme je tiens à jouir de ma vengeance, il s'agit de rester dans la place sans être reconnu. (S'asseyant devant la toilette de Mina.) Un peu de maquil­lage. (Avec du rouge il se fait une trogne enluminée.) Une fausse barbe pour achever la transformation... Ah ! voici mon affaire... Je vais emprunter du crépé aux chichis de Mina.

Il s'arrange une fausse moustache, puis prend dans la sacoche de Loupy une vieille casquette dont il se coiffe et un foulard qu'il noue autour de son cou, achevant de se rendre méconnaissable.


Scène VIII

MINA, ROBERT

MINA, entrant en élégant déshabillé et apercevant Robert. - Qu'est-ce que vous faites là, vous ?
ROBERT, près de la prise de courant ; imitant la voix et les allures de Loupy. - Je viens pour le court-circuit.
MINA. - C'est bien, dépêchez-vous ! Vous n'allez pas coucher ici.
ROBERT, à part. - Une fois de plus, une fois de moins.
MINA. - Vous dites ?
ROBERT. - Rien... je cherche... où c'est-y qu'il est votre court-cir­cuit ?
MINA. - Est-ce que je sais, moi! c'est à vous de le trouver.
ROBERT. - Je vois qu'est-ce que c'est : c'est les plombs qu'a sauté... (S'embrouillant dans des explications.) Si le courant n'est plus sur le potentiel, ça fait chahuter la gutta... alors... alors macache !
MINA. - Enfin, faites ce qu'il faut... c'est long, cette réparation ?
ROBERT. - Tantôt plus, tantôt moins; ça dépend comment qu'on se presse.
MINA, elle sonne. - Tâchez de vous presser... j'attends du monde. (Lui donnant une pièce de monnaie.) Tenez: voici votre pourboire.
ROBERT. - Quarante sous. (Empochant.) C'est la première fois que je reçois de l'argent d'une femme.


Scène IX

ROBERT, MINA, FÉLICIE,puis LOUPY

FÉLICIE. - Madame a sonné ?
MINA. - Dès que le prince se présentera, vous le ferez entrer.
FÉLICIE. - Bien Madame.
MINA. - Dites-moi, Félicie, vous qui êtes calée, où qu'ça perche l'Inertie ?
FÉLICIE. - Un peu partout; mais pour plus de précision, il n'y a qu'à feuilleter le Larousse. (Elle prend un petit Larousse sur le guéridon et lit.) Inertie, petite principauté d' Amérique septentrionale située entre le 26e et le 45e degré de longitude et le 38e et le 56e de latitude ; la branche régnante comporte plusieurs arbres généalogiques dont le prince actuel est le dernier rameau.
MINA. - Le dernier rameau. (On sonne.) C'est lui! Vite, Félicie, allez ouvrir.

Elle jette un dernier regard à sa toilette, pendant que Robert observe attentivement l'entrée du prince.

FÉLICIE, ouvrant ta porte du fond et annonçant. -Son Altesse !

Elle reste au fond. Loupy entrant grotesquement vêtu d'une redingote mal ajustée, la poitrine constellée de décorations. Félicie et Mina s'inclinent respectueusement devant lui. Robert se tord.

LOUPY. - Je suis le prince de... le prince d'I... (A part.) Sacré bon Dieu, je ne sais plus le prince de quoi que je suis (Haut.) Enfin, voilà : c'est moi le prince.
MINA. - Je vous attendais, Altesse.
LOUPY. - Alors, si vous m'attendiez, c'est pas la peine de vous dire le prince de quoi que je suis.
MINA. - Vous êtes le bienvenu, Altesse.
ROBERT, à part. - Gredine, va !
LOUPY, apercevant Robert. - Qu'est-ce que c'est que cet outil-là ?
MINA. - C'est l'électricien qui répare un court-circuit. Félicie ! offrez donc une bergère à son Altesse.
LOUPY, à part. - On va m'offrir une bergère à Son Altesse.

Félicie avance la bergère.

MINA. - Vous attendez quelque chose, Altesse ?
LOUPY. - La bergère.
MINA. - Elle vous tend les bras.

Loupy cherche un moment ta bergère, qui lui tend les bras, puis finit par s'asseoir, sans comprendre.

MINA. - Maintenant, prince, si vous le permettez, nous allons lun­cher.
LOUPY, qui ne comprend pas . - On va luncher ?
MINA. - Vous n'y voyez pas d'inconvénient ?
LOUPY. - Pas du tout, au contraire.
MINA. - Félicie, servez le lunch de Son Altesse.

Avant de sonir, Félicie s.incline respectueusement devant Loupy, celui-ci se lève et lui rend sa politesse.

MINA. - Une fleur de harem, prince ?
LOUPY. - Avec plaisir.
MINA. - Je vais moi-même vous en chercher.

Elle entre un instant dans la chambre à coucher.

LOUPY, à part. - Une fleur de harem! Elle va m'offrir une moukère. (S'avançant vers Robert.) Dis donc, toi, la coterie, de quel atelier que t'es ?
ROBERT. - J'allais vous le demander.
LOUPY, le reconnaissant. - Le bourgeois de tout à l'heure... c'est épatant ce que vous êtes bien camouflé.
MINA, revenant et présentant à Loupy une boîte de cigarettes. - Voici des fleurs de harem.
LOUPY, désillusionné, s'attendant à autre chose. - Ah ! ce n'est que ça !
MINA, lui tendant une allumette. - Vous permettez que je vous allume, Altesse.
LOUPY. - Mais comment donc !
ROBERT, à part. - Je vais t'en fiche des Altesses.
MINA. - Qu'est-ce que vous marmonnez encore, l'électricien ?
ROBERT. - Moi rien. (Regardant dans la cheminée.) Je cherche la colonne montante.
LOUPY, outré de tant d'inexpérience. - Il est piqué, il cherche la colonne montante dans la cheminée... c'est dans l'escalier qu'a s' trouve.
MINA. - Vous entendez, dans l'escalier; laissez-nous, l'électricien, allez terminer votre travail sur le palier. Eh bien! quand vous voudrez ?
ROBERT. - Voilà! Voilà! (A part). Je sors, mais j'ouvre l'oeil.

Il sort par le fond.


Scène X

MINA, LOUPY, FÉLICIE

LOUPY. - Il a tout du ballot ce frère-là !
MINA. - Ces ouvriers n'ont aucun tact.
LOUPY. - Ne m'en parlez pas, ma chère.
FÉLICIE, servant sur un plateau. - Le lunch de Son Altesse.
LOUPY, s'asseyant à gauche du guéridon. - Ah ! ça n'est que ça !
MINA. - Un doigt de porto, Altesse ?
LOUPY. - Plusieurs doigts.

Félicie verse, Mina prend un verre sur te plateau et le passe à Loupy.

MINA. - Laissez-nous, Félicie, je vous sonnerai quand j'aurai besoin de vous.
FÉLICIE. - Bien Madame. (S'inclinant devant Loupy.) Altesse.

Loupy se lève et lui rend sa politesse, comme précédemment. Félicie sort.


Scène XI

MINA, LOUPY, puis ROBERT

MINA. - Comment trouvez-vous ce porto, Altesse ?
LOUPY. - Excellent! (Faisant une grimace.) On dirait de la teinture d'iode.
MINA. - Une autre cigarette ?
LOUPY. - Merci, ça sent la paille, je préfère du caporal.

Il sort une blague à tabac crasseuse et se met à rouler une cigarette.

MINA. - Ces habitudes démocratiques vous honorent...
LOUPY. - Moi, je suis pour le peuple, parce que le peuple c'est le travail, le travail c'est la liberté ; le jour où n'y aura plus de capital, on n'en foutra plus une pastille.
MINA, sous le charme. - Comme il s'exprime bien.
LOUPY, frottant une allumette sur son pantalon. - Vous permettez que je vous allume à mon tour.
MINA, se mettant sur les genoux de Loupy et prenant du feu. - Allumez, Altesse! Allumez! Je ne demande que ça !
LOUPY. - y a du bon !
ROBERT, revenant avec une petite échelle double. - Ne vous dérangez pas pour moi.
MINA, assise sur le genou gauche de Loupy et se retournant vers Robert, sans se lever. - Encore vous, l'électricien.
ROBERT. - Faut-y que je répare le court-circuit, ou faut-y pas que je le répare ?
MINA. - Réparez mais dépêchez-vous ! vous voyez bien que nous sommes occupés.
ROBERT, montant à l'échelle. - Je le vois ! je le vois !

Il arrange ou plutôt dérange les fils.

MINA, se levant. - Je vous demande pardon, Altesse, ce travail est indispensable; sans quoi nous serions tout à l'heure sans lumière.
LOUPY, à part. - Si elle croit que c'est lui qui va nous en donner.
MINA. - Altesse, je suis à la fois heureuse et fière que vous ayez daigné abaisser VOS regards jusqu'à moi; aussi vous parlerai-je avec fran­chise.
LOUPY, lui montrant Robert. - Vous pourriez peut-être attendre qu'il soit sorti ?
MINA. - L'électricien ! ça n'a aucune importance... Altesse, je suis profondément émue... penser que je reçois chez moi un prince, une Altesse royale... qui a son nom dans le Bottin.
LOUPY. - Ah ! vous croyez !
ROBERT, à part. - Bécasse va !
MINA, passant devant Loupy avec importance. - Oh! je connais votre beau pays... c'est un pays où il y a beaucoup de longitudes... et, quand il y a beaucoup de longitudes, ça donne toujours plus de latitude.
LOUPY. - Évidemment. (A part.) Elle s'exprime bien.
MINA, à part. - Je l'épate un peu. (Haut en revenant vers Loupy.) Un beau pays, très ombragé... il y a des arbres généalogiques, dont vous êtes le dernier rameau.

Robert, à part, se tord de la bêtise de Mina.

LOUPY, à part. - Pourquoi me raconte-t-elle tout ça ?
MINA. - Aussi, quand hier, votre secrétaire m'a exprimé les désirs de Votre Altesse, me suis-je empressée de congédier mon ami.
LOUPY. - Ah ! vous avez un ami ?
MINA. - Sans importance; une femme à Paris ne peut vivre seule; il faut payer les notes du couturier, de la modiste...
ROBERT, à part, sur l'échelle. - Rosse !
MINA. - Lui ! c'est mon dernier amant, vous! mon premier amour.
ROBERT, à part. - Grenouille !
MINA. - Il est du reste aussi stupide et désagréable que vous êtes charmant et distingué.
LOUPY, à part. - Elle a tort de dire ça devant lui.
MINA. - Avec ça d'une crédulité qui me permet d'user de ma liberté.
LOUPY. - Vous le trompez ?
MINA. - Sur une grande échelle.
LOUPY. - Ça ne doit pas être commode.
MINA. - Figurez-vous que, pour vous recevoir aujourd'hui, je lui ai fait croire que j'attendais mon oncle, le chanoine.
LOUPY, se tordant. - Le chanoine !... Ah ! elle est bonne celle-là !
ROBERT, à part, laissant tomber son sac d'outils. - Chameau !
MINA. - Eh bien! l'électricien, avez-vous enfin terminé votre travail ?
ROBERT. - Si vous croyez que c'est facile à trouver, un court-circuit.
I.OUPY. - Git !... t'as qu'à dévisser l'isolateur en porcelaine.
MINA. - Dévissez, puisque le prince vous dit de dévisser !
ROBERT. - Je dévisse !
LOUPY. - Là, maintenant établis le contact.

Robert suit les indications de Loupy. Une fonnidable étincelle jaillit et Robert roule à terre.

ROBERT. - Aïe! Je suis électrocuté !

Il se met à frétiller comme s'il avait la danse de Saint-Guy.

LOUPY. - Espèce d'andouille, tu t'y prends comme un pied; tu mets le contact avant l'isolateur... I'foutrait l'feu à la maison, cet abruti-là !
MINA, à Robert - Allez-vous-en.
ROBERT. - Faut bien que je finisse mon travail.
MINA. - Fichez-moi le camp! Je vous ai assez vu.
LOUPY. - Mais caltez donc, puisqu'on vous dit de calter.

Ils poussent Robert au-dehors et ferment la porte denière lui.


Scène XII

MINA, LOUPY

MINA. - Cet électricien commençait à me porter sur les nerfs.
WUPY. - Ça ne connaît pas son métier... Vous allez voir, je vais vous arranger ça en cinq sec.
MINA. - Je vous en prie, prince, ne vous donnez pas la peine.
LOUPY, prenant l'échelle et remettant le plomb qui se trouve extérieurement denière la porte du fond. - Laissez donc, ça me connaît... Ce salaud-là, il vous aurait loupé votre conduite... Vous comprenez, c'est les plombs qu'a sauté; si le courant n'est plus sur résistance, ça fait chahuter le poten­tiel, alors faut isoler les fils, parce que la gutta, elle est brûlée et quand la gutta elle est brûlée, macache !
MINA, ébahie, répétant machinalement. - Macache !
LOUPY. - Tenez ! maintenant ça fonctionne. Vous pouvez allumer, votre potentiel ne chahute plus.
MINA, tournant le commutateur et allumant. - C'est épatant ce que vous êtes calé pour un prince.
LOUPY. - Dans notre métier on connaît un tas de trucs.
MINA. - Mais assez de courts-circuits... Prince, soyons tout à notre bonheur.
LOUPY. - Je ne demande pas mieux. (A part.) Je crois que je ne vais pas m'embêter.
MINA. - Comment me trouvez-vous, Altesse ?
LOUPY. - Comment je vous trouve ? pour une môme bien balancée, vous êtes une môme bien balancée.
MINA. - Je vous plais, prince ?
LOUPY. - Je crois bien que vous me plaisez. Vos yeux, votre nez, votre bouche, vos oreilles... et puis... et puis tout enfin.
MINA. - Eh bien, Altesse, tout cela vous appartient.
LOUPY, incrédule. - Non ?
MINA. - Si.

Elle s'enfuit deuxième plan gauche, comme honteuse d'avoir trop parlé.

LOUPY. - y a encore un court-circuit de ce côté. (Sortant derrière Mina.) Ah ! nom de Dieu !


Scène XIII

ROBERT, FÉLICIE

ROBERT, entrant par la fenêtre. - Voilà l'avantage des rez-de-chaussée, quand la porte est bouclée, on entre par la fenêtre. (S'avançant, les poings levés, comme pour enfoncer la porte deuxème plan à gauche.) Ah ! misérables !
FÉLICIE, paraissant à la porte du fond une lettre à la main. - Après qui en avez-vous ?
ROBERT. - Après personne ! je cherche le court-circuit.
FÉLICIE. - Vous y mettez le temps.
ROBERT, furieux - Le temps qu'il me plaît.
FÉLICIE. - Ne parlez donc pas si fort; il y a un prince dans l'apparte­ment.
ROBERT. - Je m'en fous !
FÉLICIE. - Oh! vous n'êtes pas poli !
ROBERT. - Tenez! Je préfère m'en aller... parce que... je ne sais pas ce que je ferais !

Il sort furieux par le fond.

FÉLICIE. - Quel drôle d'électricien !


Scène XIV

MINA, FÉLICIE, puis LOUPY

MINA, au seuil de sa chambre. - Que se passe-t-il donc, Félicie ?
FÉLICIE. - Madame, c'est l'électricien.
MINA. - Encore! fichez-le donc à la porte une bonne fois.
FÉLICIE. - Une lettre pour Madame.
MINA. - Donnez !

Félicie donne la lettre et sort ; Mina cherche sur la table un ouvre-enveloppe, pendant ce temps Loupy fait son entrée, vêtu du pyjama de Robert.

LOUPY. - Pour une poule de luxe, c'est une poule de luxe... et du linge et des chichis parfumés que c'était comme un bouquet de fleurs...
MINA, tout en ouvrant la lettre. - Tiens, vous vous êtes levé, prince ?
LOUPY. - Je vous attendais, princesse.
MINA. - Une lettre aux armes de Votre Altesse. C'est de votre secré­taire intime. (Lisant.) Madame, vous êtes une petite dinde... (Parlé.) Il n'est pas poli votre secrétaire; je vous conseille de lui laver la tête en rentrant.
LOUPY, à part. - Elle me prend pour le coiffeur.
MINA, lisant. - « Vous êtes une petite dinde et votre oncle le cha­noine, un grossier personnage. » (Parlé.) Mon oncle le chanoine ? ... Je n'ai jamais eu d'oncle chanoine... Comment expliquez-vous ça, prince ?
LOUPY, embarrassé. - Vous savez... Il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas expliquer.
MINA, lisant. - « Cet ecclésiastique ne s'est-il pas permis de dire par téléphone que si Son Altesse se présentait chez vous, il la flanquerait en bas de l'escalier avec sa botte dans le derrière. » (Parlé.) Il a dit ça le chanoine ?
LOUPY. - Faut croire. (A part.) Va y avoir du grabuge !
MINA, achevant sa lecture. - « Après de pareils propos, jamais Son Altesse ne mettra les pieds chez vous. » (Parlé.) Vous n'êtes donc pas le prince ?
LOUPY. - Euh! je vais vous dire: je suis le prince sans l'être.
MINA, impatientée. - Voyons, expliquez-vous.
LOUPY. - Eh bien! voilà: on m'a dit qu'il fallait que je sois le prince ; mais vous savez, au fond, j'ai pas la vocation... J'suis « socialisse ».
MINA. - Enfin, qui êtes-vous ?
LOUPY. - L'électricien.
MINA. - Encore l'électricien ? Et moi qui...
LOUPY. - Permettez! je ne vous ai rien demandé, c'est vous qui m'avez offert.
MINA. - Et dire que j'ai embrassé ce paquet.
LOUPY. - Paquet ! Tout à l'heure tu m'appelais coco chéri ! Comme les femmes changent vite d'opinions !
MINA. - En voilà assez ; caltez ! mon ami pourrait revenir, je n'ai pas envie de me compromettre davantage.
LOUPY, ramassant ses outils. - C'est bon, on se la brise.


Scène XV

LES MÊMES, ROBERT

Robert entrant du fond ; il a quitté ta cotte et le bourgeron.

MINA. - Robert! Comment, mon chéri, tu étais là et tu ne le disais pas.
ROBERT. - Je craignais de vous déranger, Madame.
MINA. - Pas du tout, mon coco !
LOUPY, à part. - Son coco! Elle en a un culot !
MINA. - J'étais avec l'électricien qui venait réparer le court-circuit.
ROBERT, regardant Loupy. - Avec mon pyjama ; assez de court-circuit et assez de mensonges. Je connais maintenant vos véritables sentiments à mon égard ; il est un proverbe qui dit, Madame, qu'il ne faut pas courir deux lièvres à la fois, vous n'êtes qu'une petite grue, j'ai l'honneur de vous saluer.

Il gagne la porte du fond.

LOUPY. - Bien envoyé !
ROBERT, à Loupy. - Vous ! vous avez outrepassé nos conventions, vous êtes le dernier des cochons !

Il sort.

LOUPY. - Ah ! permettez! le dernier... il yen aura d'autres après moi! (A Mina.) Dites donc, vos deux lièvres... c'est deux lapins.
MINA. - Ah ! vous! Débarrassez-moi le plancher.
LOUPY. - Sans rancune. (A la porte, se retournant.) Quand vous aurez un court-circuit, pensez à moi.

Il sort.

MINA, à la porte du fond. - Ah ! les chameaux ! les chameaux ! ! !

RIDEAU

 

 

 

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